En zones arides, les systèmes d’élevages mobiles sont adaptés aux conditions écologiques et ils constituent un des principaux modes d’exploitation des ressources naturelles. Ce sont des modes d’exploitation résilients aux changements climatiques et ils consituent une activité socio-économique et socioculturelle importante particulièrement au Sahel. Par la mobilité transfrontalière, les pasteurs sont vecteurs d’échanges internationaux du point de vue économique, mais aussi, vecteurs d’amitié entre les pays.
La formation sur le pastoralisme transfrontalier s’inscrit dans l’initiative « Réduire les écarts dans la Grande Muraille Verte » (FEM, ONU-Environnement, UICN) qui vise à soutenir la mise en œuvre de la GMV en reliant les acteurs et les secteurs. Durant trois jours, les 30 participants ont partagé leurs connaissances et leurs expériences concernant l’élevage transhumant, dans des contextes où les frontières ne signifient rien pour un troupeau en quête de pâturage ou d’eau.
Au cours de leurs travaux, ils ont montré que les éleveurs et leurs troupeaux se déplacent sur des distances plus ou moins importantes pour des raisons variées. Certains troupeaux font des mouvements pendulaires saisonniers, entre les pâturages de l’hivernage et ceux de la saison sèche. D’autres troupeaux sont conduits sur plusieurs centaines de kilomètres pour atteindre des marchés distants de leurs zones d’origine. Ces mouvements peuvent être impactés par l’évolution des contextes politiques ou sécuritaires, comme au Mali où les itinéraires des troupeaux ont été modifiés suites aux événements de 2012. Sur la base d’une première photographie de la mobilité dans leurs pays, les participants ont mis en évidence les liens forts entre leurs trois pays, tissés par les pasteurs dont les troupeaux ne reconnaissent pas de frontières.
Ils ont ensuite souligné les contraintes qui pèsent sur ces troupeaux et qui concernent généralement l’accès aux ressources et la réglementation régissant les mobilités. Les éleveurs en mouvement, subissent en effet de nombreuses tracasseries administratives en traversant les frontières. Chacun des trois pays dispose pourtant d’un arsenal juridique et législatif. Mais, les lois et codes qui traitent de la gestion des ressources naturelles, n’intègrent pas toujours les questions d’élevage et de mobilité. Les textes ont tendance à se chevaucher, se contredire, et les acteurs qui les appliquent sur le terrain (polices, douanes, agents des eaux et forêts…), souffrent d'un manque de concertation entre eux, voire de connaissances sur les textes mêmes. Cela met en évidence le fait que les États ont du mal à reconnaître le pastoralisme et à garantir les droits à ceux qui le pratiquent.
Les participants ont alors discuté des initiatives menées à plusieurs niveaux qui permettent de gérer durablement l’élevage mobile. L’initiative transfrontalière Karakoro a particulièrement été discutée. Sur le bassin du Karakoro, à la frontière entre la Mauritanie et le Mali, des communes des deux pays se sont montées en intercommunalité et ont échangé et discuté ensemble afin de régler et prévenir les problèmes entre leurs communautés qui partagent les mêmes ressources naturelles. Dans le cadre de cette initiative, la création de cadres de concertation transfrontaliers a permis aux communautés de délimiter des axes de transhumance et d’y installer des infrastructures pastorales, gérées par les populations elles-mêmes.
De ces différents travaux, les participants ont tiré une série de recommandations pour favoriser le pastoralisme transfrontalier et améliorer sa gestion.
Les initiatives partant de la base, portées par des acteurs proches des populations et communautés concernées (ONG, collectivités) donnent de bons résultats, car elles misent sur une appropriation forte par les bénéficiaires des infrastructures mises en place (forages) et des modes d’organisation proposés autour de la ressource (unités pastorales, pistes de passage). Cependant, ses initiatives ne peuvent se passer de la coopération et de l’accompagnement des États, à travers leurs agents et services techniques. Les États doivent faire preuve d’une volonté politique plus forte, reconnaissant la place du pastoralisme, et de la mobilité transfrontalière à travers des textes réglementaires harmonisés.
Par ailleurs, pour convaincre les décideurs, il semble que l’argumentaire basé uniquement sur les aspects environnementaux et sur la gestion des ressources naturelles ne soit plus suffisant, face aux menaces des changements climatiques, qui génèrent un certain fatalisme. Aussi, il peut s’avérer pertinent de bâtir un argumentaire sur l’importance du pastoralisme transfrontalier d’un point de vue économique, en montrant comment il peut faire levier sur le développement et être un facteur d’intégration régionale.
Début 2018, une deuxième rencontre sera organisée à Niamey entre des acteurs du Tchad, du Niger et du Burkina Faso, elle permettra de compléter les recommandations qui seront notamment portées par le ReSaD auprès de la Grande Muraille Verte.
Le projet « Réduire les écarts dans la Grande Muraille Verte » est financé par le Fonds pour l’Environnement Mondial, mis en œuvre par ONU-Environnement (ex-PNUE) et exécuté par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.