Cette analyse se divise en 7 chapitres. La première partie de l’étude porte sur l’aide au développement apportée par la communauté internationale aux pays qui se sont regroupés en 2014 au sein du G5 Sahel: le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Le rapport pourrait se fonder sur les statistiques publiées par le Comité d’Aide au Développement de l’OCDE (CAD) pour mener l’analyse, mais il se trouve que moins de trois quarts des versements d’aide publique au développement recensée par le CAD font l’objet d’un transfert financier ou en nature vers les pays du Sahel. C’est pourquoi les auteurs ont préféré se pencher sur ce qu’on appelle l’aide transférable: l’aide publique au développement dont sont soustraites les composantes qui n’ont pas d’impact direct ou immédiat sur les pays du Sahel.
On note que les engagements et versements en aide transférable ont globalement augmenté entre 2006 et 2016, mais le rythme tend à décroître ces dernières années. Le volume d’aide déboursé par habitant est plus important au Burkina Faso et au Mali, et surtout en Mauritanie par rapport au groupe de référence (soit l’ensemble des pays d’Afrique Subsaharienne, moins l’Afrique du Sud). Les principaux donneurs sont, en ordre décroissant, l’Union européenne, le Groupe Banque Mondiale, les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Banque Africaine de Développement, le Canada, le Fonds Monétaire International, la Suisse et le Fonds mondiale de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. On note par ailleurs que la France, l’Allemagne et l’Union Européenne ont tendance à plus donner au Sahel qu’au reste du groupe de référence.
Le rapport se concentre aussi sur le partage entre dons et prêts. Les bailleurs privilégient les dons (70% de l’aide transférable entre 2012 et 2016) plutôt que les prêts concessionnels. Seules la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement fournissent respectivement 67% et 57% de leur aide transférable sous forme de prêts.
Un autre point abordé est le partage de l’aide entre aide-projet et aide budgétaire: dans les pays sahéliens, l’essentiel de l’aide transférable est de type projets (66%), mais l’aide budgétaire est bien plus utilisée au Sahel que dans le reste de l’Afrique. Ce poids donné à l’aide budgétaire s’explique par la difficulté particulièrement forte à laquelle sont confrontés les gouvernements sahéliens pour équilibrer leurs finances publiques, mais aussi par le désir des bailleurs d’améliorer la gouvernance financière de ces Etats. Cette aide budgétaire peut être générale ou sectorielle: on observe que si l’aide budgétaire générale a eu tendance à décroître entre 2012 et 2016, l’aide sectorielle a fortement augmenté au Sahel par rapport au groupe de référence. Cela illustre une certaine méfiance des donneurs à l’égard des choix budgétaires des pays du Sahel. La part de l’assistance technique est elle aussi faible.
Les auteurs se sont aussi interrogées sur un autre point essentiel qui définit l'efficacité de l’aide au développement: à quels secteurs économiques et sociaux est destinée cette aide ? Tout comme dans le reste de l’Afrique Sub-saharienne, l’aide transférable est à destination des infrastructures et services sociaux (43%), des infrastructures et services économiques (13,8%) et de la production (12,7%). Si tous les donneurs ont tendance à donner priorité aux secteurs sociaux, ce n’est pas le cas des États-Unis, qui privilégient l’aide humanitaire. L’aide alimentaire et humanitaire représentent au Sahel près d’un quart des versements en aide transférable sur la période 2012-2016.
Trois secteurs apparaissent comme essentiels au développement: l’éducation, la santé et l’agriculture. On observe que l’éducation a reçu deux fois moins d’aide que la santé sur la période 2012-2016. Mais la part de ce secteur a tout de même augmenté au Sahel sur la période, notamment au Mali et Niger, alors qu’elle a eu tendance à baisser dans le reste du groupe. De même, les versements destinés à la santé ont plus vite augmenté au Sahel que dans le reste du groupe entre 2012 et 2016. L’agriculture aussi a reçu une part d’aide plus importante au Sahel qu’ailleurs en Afrique subsaharienne, même si les versements ont augmenté moins vite au Sahel que dans les autres pays sur la période. L’aide budgétaire destinée à la gouvernance vise, elle, principalement à soutenir la gestion des finances publiques et la mobilisation des ressources intérieures, domaines qui constituent une priorité absolue des pays sahéliens pour améliorer l’efficacité des finances publiques, mais aussi l’indépendance de ces pays de l’aide internationale, à terme.
Si l’on compare finalement les 5 pays du Sahel, on note que leurs situations sont assez hétérogènes en matière d’aide au développement. Les auteurs mettent tout particulièrement en avant le cas de la Mauritanie. Dans ce pays, la place des donneurs non traditionnels est prépondérante. Le Tchad et le Niger sont les seuls pays du Sahel pour lesquels l’aide transférable moyenne par habitant sur la période 2006-2016 est inférieure à celle du groupe de référence. Le Niger se caractérise par ailleurs par l’importance de l’aide alimentaire au sein de l’aide budgétaire sectorielle. Au Burkina Faso, les engagements et versements sous forme de dons ont diminué sur la période 2012-2016. Enfin, au Mali, les versements sous forme de dons et d’aides budgétaires ont augmenté sur la période étudiée.
Finalement, comme le développement économique et social de la région sahélienne sont liés de manière étroite à sa situation sécuritaire, la communauté internationale a affirmé sa volonté d’augmenter son assistance au Sahel, mais aussi l’efficacité de cette assistance. L’analyse des flux d’aide reçus au Sahel ces dernières années illustre bien cette urgence de faire face à ce défi, puisque les versements ont ralenti entre 2012 et 2016. Il apparaît que les donneurs ont des difficultés à débourser rapidement leur aide. Un dernier point, tout aussi inquiétant, est la faible part d’aides consacrées à l’éducation, notamment primaire, dans cette région.